Le vent se lève est le dernier film de Hayao Miyazaki sorti en 2013 au Japon. La réalité a pris le pas sur la fiction dans cette œuvre biographique.
Synopsis
Le film est une biographie de Jirô Horikoshi, ingénieur en aviation. Sa mauvaise vue l’empêche de réaliser son rêve de devenir pilote mais il deviendra l’un des ingénieurs les plus renommés du Japon. Nous découvrirons le Japon à travers la vie du héros, ses amours, les nombreuses catastrophes du pays du soleil levant et l’envol de ses chefs d’œuvres.
Le vent se lève, il faut tenter de vivre
Le vent se lève ( Kaze tachinu- 風立ちぬ ) est censé être le dernier film de la longue carrière d’Hayao Miyazaki au sein du studio Ghibli. Pour achever ses belles années de production, il se lance dans une aventure qui traite majoritairement des avions, sujet qui le passionne tout particulièrement. Néanmoins son oeuvre n’est pas particulièrement joviale, voir même particulièrement déprimante. En effet, Hayao met en scènes des passages historiques et marquants de notre civilisation : le séisme de Kantô qui survint le 1er septembre 1923 puis à travers les banques et la famine, on découvre la grande dépression, ensuite, l’épidémie de tuberculose continue de nous attrister et finalement, le Japon devient un acteur dans la seconde guerre mondiale, summum de l’horreur. D’ailleurs, parler de la tuberculose n’est peut-être pas anodin pour le réalisateur car la mère de celui-ci, Dola Miyazaki, était atteinte de cette maladie également.
Par ailleurs, certaines scènes sont oniriques et nous permettent d’avoir des moments de répits en comparaison avec toutes les atrocités sus-citées. Par exemple, les bombes deviennent semblables à ce que l’on voit dans le château ambulant, ce qui permet d’adoucir le passage. De plus, il partage son rêve avec Giovanni Caproni ce qui lui permet d’avancer un peu sur ses projets en découvrant ceux de l’ingénieur Italien. A la fin d’ailleurs, son rêve lui permettra de faire un point sur sa vie et de dire au revoir à Nahoko une ultime fois.
L’envers du décor
Jirô, son ami et toute son équipe sont passionnés de construction et veulent à tout prix améliorer les performances de leurs avions. Néanmoins, ils vont très vite se rendre compte que leur passion et leur art sont convoités pour la guerre et la bataille technologique qui en découle. A ce moment-là de l’histoire, la fiction d’un film d’animation rejoint la réalité des horreurs du monde dans lequel nous vivons. En effet, Miyazaki a décidé de pointer du doigt bon nombre d’atrocités commises par les Hommes. Par exemple, il nous parle d’Hitler en Allemagne et d’une probable chasse aux juifs la nuit bien que cela ne soit pas explicite mais également de cette course à l’armement laissant de côté une multitude de personnes démunies n’ayant rien à manger. Le réalisateur nous montre que nos rêves méritent d’être vécus mais qu’ils peuvent très vite être pervertis par ses semblables. D’ailleurs Giovanni Caproni, l’ingénieur de génie qui apparaît dans les rêves du héros est un homme ayant réellement existé et, à cause de sa passion pour l’aéronautique, il fut accusé de complicité et de collaboration avec l’armée allemande.
Je pense qu’à travers ce film d’une très grande mélancolie Hayao Miyazaki nous montre une ultime fois à quel point il est désabusé par la nature humaine. Néanmoins, ce n’est pas la première fois qu’il nous fait part de ce sentiment, par exemple avec Princesse Mononoke ou Nausicaa de la vallée du vent, il tentait de nous mettre en garde sur les conséquences de la guerre et de notre politique environnemental et avec le château dans le ciel sur les dérives de la recherche technologique. Miyazaki ne perd pas une occasion pour nous faire part de son opinion sur le monde actuel à travers des images et des récits somptueux.
Une œuvre personnelle
A travers Jirô, un héros très sympathique et charmant, Miyazaki a voulu dépeindre son père. Lors d’une interview accordée à Télérama, il nous raconte que pendant toute sa jeunesse et pendant très longtemps, il accordait très peu d’estime à son paternel qui s’est enrichi grâce à la seconde guerre mondiale. Néanmoins, en réalisant ce film à travers les yeux du personnage de Jirô, il s’est rendu compte que tout n’est pas blanc ou noir. Un ingénieur n’est pas obligatoirement quelqu’un voulant créer des armes, c’est avant tout une personne ayant des rêves et voulant les concrétiser. C’est le cas du héros, passionné par l’aéronautique, il préférerait ne pas inclure de mitraillettes ou d’obus dans ses œuvres mais il sait très qu’il n’a pas le choix s’il veut poursuivre son rêve. A partir de ce constat, le titre du film prend tout son sens : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ». Malgré les nombreux aléas et problèmes qui nous entraveront le chemin, la vie est courte, il faut à tout prix réaliser ses rêves pour ne pas avoir de remords. Il est d’ailleurs amusant de voir que le titre et sa suite sont prononcés en français et non uniquement en japonais.
Le vent se lève n’est pas un Ghibli classique, avoir de nombreuses références vis-à-vis de la seconde guerre mondiale est nécessaire pour apprécier l’ampleur du film. Ce long métrage ne convient donc pas aux enfants mais ravira les adultes par sa profondeur. L’Homme n’est pas maître de sa destinée mais il doit tout faire pour vivre quand même.