En 1997, Hayao Miyazaki nous dévoile une œuvre qui deviendra l’une des références du Studio Ghibli. Princesse Mononoke met en scène l’affrontement entre Mère Nature et les Hommes.
Synopsis
L’aventure se déroule à l’ère Muromachi, une époque médiévale. Le futur chef des villageois, Ashitaka, affronte un sanglier démoniaque du nom de Nago. Pendant la bataille, il sera frappé d’une malédiction le conduisant à une mort certaine si rien n’est fait. Ashitaka quitte alors le village afin de conjurer le sortilège et découvre deux mondes différents. D’une part, la rencontre avec Dame Eboshi lui fera connaître la civilisation et son évolution, d’autre part, avec San, il observera les aspects cachés de la forêt. L’histoire s’accélère et les deux opposés s’affrontent tout au long du film d’animation. Qui de la forêt ou des humains en sortira vainqueur ? Y en aura-t-il vraiment un ?
Les bases de Princesse Mononoke
Princesse Mononoke ( もののけ姫 – Mononoke Hime ) est souvent cité comme l’un des meilleurs films du Studio Ghibli. Découvrons comment s’est créé ce chef d’oeuvre.
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Princesse Mononoke, le manga
Au départ, Mononoke Hime est un livre d’une centaine de pages écrit par Miyazaki en 1993. L’histoire est totalement différente et basée sur San et non Ashitaka. San se voit obligée d’épouser un monstre qui, visuellement, est un mélange assez comique entre le chat bus et Totoro lui-même pour les proportions. Malheureusement pour la jeune fille, le démon n’est agréable à vivre.
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L’univers
Ce film est basé sur une époque ayant existée. L’ère Muromachi est caractérisée par l’emprise des Shoguns sur l’ensemble du pays, cependant des tribus n’acceptent pas cette prise de pouvoir, elles sont nommées Emishi. Dans le film, la tribu d’Ashitaka s’appelle « Emishi » également, ils seraient les derniers à résister à la mise en place de ce système.
Autre similarité, Ashitaka est un archer émérite, cette caractéristique est propre aux tributs Emishi qui se servaient de leur cavalerie à distance pour combattre le pouvoir en place.
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Guerre des opposées
L’affrontement entre la forêt, personnifiée par la Louve et San, et les humains, représentés par Dame Eboshi est le fil conducteur du film. L’essentiel de l’histoire est basé sur le rapport de force entre les deux groupes. Tantôt une bataille est remportée par un camp, tantôt l’autre et nous enchaînons sur un nouvel affrontement dans la foulée.
Les personnages possèdent plusieurs facettes, le manichéisme n’est pas présent, comme à l’accoutumée, avec Miyazaki. Ashitaka est le héros de l’aventure néanmoins il arbore par moment des expressions haineuses, de doute alors qu’à la base, il est plutôt un jeune homme joyeux et déterminé. Son évolution s’effectue tout au long du film, ce qui entraîne une sympathie de la part du spectateur à son égard.
Jiko-Bo est un personnage assez en retrait pendant la majeure partie de l’histoire et pourtant il joue un rôle prépondérant. Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude pour quelle organisation il travaille néanmoins nous savons quel est son objectif final : acquérir la tête du dieu Cerf afin d’accéder à la vie éternelle. Cela dit, ce personnage n’hésite pas à utiliser tous les stratagèmes à sa portée afin de parvenir à son but. En ce sens, il obtiendra de l’aide de Dame Eboshi par exemple et, ce faisant, causera la mort de bons nombres de villageois. Mais on ne peut pas dire que ce personnage soit maléfique, je le vois plutôt comme un mercenaire et, en tant que tel, il obéit simplement aux ordres d’un supérieur moyennant finances.
San et les esprits de la forêt ont un rôle particulier également. Excepté Shishi-Gami, chaque esprit est belliqueux, ils se battront jusqu’au bout. Néanmoins, sans l’attaque des humains, il n’y aurait pas eu d’affrontements, ils ne tuent pas par plaisir. L’exemple le plus fragrant est San, elle n’est pas appréciée par les autres esprits qui la considèrent comme une humaine, à l’exception de la Louve. Mais ils ne l’attaquent pas particulièrement, ils n’approuvent pas le choix de la garder mais sans lui faire de mal.
Finalement, Dame Eboshi est le personnage le plus ambigu à première vue. On la considère, à tort, comme la méchante de l’histoire mais la réalité est bien plus complexe. Au départ, il s’agit d’une des anciennes courtisanes de l’autorité la plus puissante, de ce fait elle a réussi à créer un village spécialisé dans les forges et développer une activité économique. Mais ce n’est pas tout, elle est également très proche de son peuple, on peut s’en apercevoir à plusieurs reprises. Elle s’occupe des lépreux et protège les gens de son village avant tout. Par ailleurs, il est effectivement vrai que ces idéaux vont empiéter sur la forêt, ce qui la rend détestable aux yeux de nombreux d’entre nous. Mais la fin du film arrange cette vision, lorsque Dame Eboshi perd son bras, un déclic semble se produire. Nous pouvons penser que la reconstruction du village se fera dans une optique beaucoup plus amicale envers la forêt et que l’expansion économique ne sera plus prioritaire.
Contrairement à Pompoko qui dénonce totalement les agissements de l’humanité envers la nature, ici, Miyazaki nous parle d’un équilibre qui ne tient qu’à un fil. La nature et l’Homme doivent cohabiter afin de créer une harmonie sans supplanter son opposant. Un rien peut faire pencher la balance et anéantir l’équilibre créé. A nous de retenir la leçon et de faire en sorte que chacun soit conscient de ses actions et de leurs retentissements sur notre planète. On peut d’ailleurs faire un parallèle avec Nausicaa et la vallée du vent où cet équilibre a été rompu, ce qui a engendré un désastre sans précédent.
Des thèmes classiques qui fonctionnent
Miyazaki défend souvent les mêmes idées à travers ses films ce qui ne l’empêche pas, par ailleurs, de proposer du renouveau en conservant ces thèmes de prédilection. Dans Princesse Mononoke, San est considérée comme vaillante, acharnée et, à aucun moment, elle ne compte abandonner. Elle est l’héroïne miyazakienne typique, une sorte de grande sœur fictive pour Arrietty et Chihiro. Le thème de la nature est une nouvelle fois utilisé, à l’instar de Ponyo sur la falaise. Une différence est néanmoins présente comparativement à cette oeuvre. Ici, il développe les points de vue de chaque camp et ne se focalise pas sur la forêt uniquement. Toutes les motivations, que ce soit celles des humains ou celles de la forêt, sont présentes et mises en parallèles afin que nous comprenions les enjeux de ce combat.
Par ailleurs, nous avons, contrairement à Kiki la petite sorcière, une inversion des codes. Les clichés se sont envolés et, cette fois, la jeune fille sera la personne fougueuse, déchaînée alors que le garçon sera beaucoup plus posé, amené à réfléchir sur son avenir, il sera moins féroce que San. D’ailleurs, phénomène plutôt rare chez Miyazaki, le personnage principal est un homme et non une femme. Le titre du film devait même contenir le nom d’Ashitaka à la base.
Au final, cette œuvre est un enchantement visuel et sonore. L’histoire vous passionnera, les graphismes vous émerveilleront et la musique vous subjuguera. Il ne s’agit peut-être pas de mon Miyazaki préféré mais il est clair qu’il est dans le haut du classement !