Jamais je n’aurais imaginé que je vivrais au Japon. Et pourtant me voici ici, à y faire ma vie, la construire et à y faire des plans pour le futur. Retour sur ce hasard !
Disons-le de suite : je n’étais pas programmé pour vivre au Japon, loin de là. Au moment où j’écris ces lignes, ma vie est au pays du Soleil-Levant, mais elle n’aurait pas dû y être, elle devait se dérouler en France, à y faire carrière, marié, deux enfants, la voiture et la maison. Au lieu de cela, je suis au Japon, marié, un bébé, pas de maison, pas de voiture, je ne fais pas carrière et je suis « blogueur / influenceur / consultant / touche à tout » ! Rien à voir avec ce à quoi je pensais.
Si j’écris cet article c’est pour vous parler de ce fait, celui qui m’a amené au Japon, par un pur hasard, et aussi pour vous démontrer que dans la vie tout est possible.
Retournons en 2007
Je suis jeune (je le suis toujours hein), étudiant en Licence à Grenoble. J’avais opté pour une Licence en alternance en management au sein de la grande distribution. J’ai été embauché par une grande chaîne de supermarchés pour un cursus d’un an destiné à me former au métier de « manager de rayons ». Je commence mon année en septembre et normalement en juin je devais être diplômé et embauché dans mon entreprise en tant que manager de rayons.
Sauf qu’en avril 2007 je reçois un coup de téléphone de la part de mon directeur de magasin qui m’annonce qu’il a besoin de moi dans un autre magasin car il n’y a plus un seul membre de l’équipe managériale. Le directeur venait d’être licencié pour alcoolisme sur le lieu de travail, le manager PGC (Produits de Grande Consommation) avait été licencié pour « vols », la Manager Frais venait de démissionner pour cause de dépression et la Manager Caisse était mutée dans un autre magasin. Sans crier garde je me retrouve propulsé à gérer un magasin avec une trentaine d’employés. Mon directeur de magasin (celui où j’étais en formation) croyait en mon potentiel et avait confiance en moi.
Dès les premiers jours je fais mes preuves. En quelques semaines sur place je sors des résultats positifs, je participe à la remise en route du magasin, je mets en place des actions et gère le magasin au quotidien. Je commence mes journées à 05H30 et les termine à 21H00, 6 jours par semaine. Je m’amuse comme un gosse le jour de Noël ! Il faut dire que j’ai toujours aimé géré des situations difficiles, celles qui vous mettent face au mur et vous forcent à avancer.
Je fais tellement mes preuves que le numéro 2 de la région Sud, au sein de la société, vient à ma rencontre pour me féliciter et me demander comment je voyais ma carrière. Je lui réponds, droit dans les yeux « Je serais le directeur commercial national de la société à terme » ! J’affichais là mon ambition et j’avais fait mouche. Ma société n’avait jamais formé des étudiants à un niveau supérieur à la Licence Universitaire. Mais, fort de ma réputation et de mes résultats, j’ai obtenu que l’on me paye une école de commerce, avec une mutation en région parisienne. J’étais donc le premier employé de la Région Sud au sein de ma société à se faire financer son école de commerce.
Quelques jours avant la fin de mon contrat à Grenoble, mon directeur de région (le supérieur de mon directeur de magasin) vient me voir et me dit « Alors, tu nous quittes ? Tu pars dans le Nord ? C’est bien, profites-en un maximum, dommage que tu nous quittes parce que l’on tenait à toi ». Je lui réponds alors que je reviendrais après mes deux années en école de commerce parce que j’aime ma vie à Grenoble. Et là, il me répond « Ne dis pas cela, tu ne sais pas ce que le futur te réserve ! Regardes-moi, j’étais partis pour une année de travail en Pologne ! Au final j’y ai passé une dizaine d’années, je me suis marié sur place et j’y ai construit une famille, avant de revenir en France » !
Aujourd’hui, ces propos qui m’ont été tenus au cours de l’été 2007 raisonnent dans ma tête ! Nous sommes 10 ans plus tard et mon ancien directeur de région avait raison, il avait été visionnaire ! Je ne suis jamais revenu à Grenoble à la fin de mes études en école de commerce.
Entre 2007 et 2009 les choses avancent
Après Grenoble c’est direction Amiens pour l’école de commerce et Aubervilliers puis Argenteuil pour l’alternance dans un cursus de « direction de supermarché ». Deux années qui vont être intenses entre les études et le travail qui est prenant, dans des magasins classés comme étant à risques au sein de la société. Je suis formé dans des conditions qui accélèrent tout apprentissage et je prends, en deux ans de travail, l’équivalent d’au moins cinq années d’expériences. Je fais mes preuves, je mène mes études en parallèle et j’avance.
Tout au long de ces deux années je suis approché par des enseignes concurrentes qui veulent me débaucher (il semblerait que ma réputation avait été faites au cours de mon année de licence à Grenoble). Des cabinets de « chasse de têtes » m’approchent régulièrement, me faisant passer divers entretiens auprès de grandes sociétés liées à la grande distribution. Mon profil semble plaire et beaucoup de personnes me prédisent un grand avenir, celui d’un futur leader. J’y prends goût ! Il faut avouer que se faire caresser dans le sens du poil de la sorte et d’être courtisé c’est flatteur, l’égo est fier et ça motive encore plus à se défoncer.
Lors de ma dernière année en école de commerce à Amiens, en 2009, je constate que mon niveau d’anglais n’est pas celui que j’aimerais qu’il soit. Je me dis donc que je devrais partir faire un PVT en Australie afin d’y améliorer mes compétences linguistiques. L’idée germe et se développe petit à petit. Je commence à faire mes plans et plus les semaines passent et plus c’est décidé : je partirais en Australie pour un an en octobre / novembre 2009 !
Sauf que là, mon ami Radouane, grand voyageur de sa profession, me parle des billets tour du monde. Oups, au lieu de me limiter à l’Australie, j’élargis mon projet. Ce sera Londres, Hong-Kong, Macao, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada et USA.
En septembre 2009, je termine mon contrat d’alternance, je refuse la proposition d’embauche que l’on me propose, je suis déçu de la façon dont sont gérées certaines choses au sein de cette société. J’ai en main au moins quatre offres d’emplois fermes pour des salaires allant de 2.220€ à 3.000€ par mois (hors bonus) et même une offre dont je pourrais bénéficier après mon mini tour du monde d’un an. C’est décidé, le 5 novembre 2009 je quitte la France pour un an, puis je reviendrais pour travailler et faire carrière, fort d’un niveau d’anglais bien amélioré qui me permettra d’évoluer plus rapidement dans ma carrière.
C’est parti pour un an de voyage …
Le 5 novembre 2009, accompagné d’un ami, j’embarque dans l’Eurostar à Paris Gare du Nord pour ce qui devait être un voyage d’un an. C’est parti, direction Londres, puis Hong-Kong et Macao pour quelques jours.
Ensuite, j’arrive au pays des Kangourous avec un PVT Australie ! Environ cinq / six mois plus tard, je mets un terme à cette première aventure enrichissante, lors de laquelle je me suis construit beaucoup de bons souvenirs, pour aller passer deux semaines en Nouvelle-Zélande (dans l’île du Nord). J’en prends plein les yeux avant de m’envoler vers le Canada.
Nous sommes le 10 avril 2010 lorsque j’arrive à Vancouver (Canada) pour la première fois pour un séjour prévu de 5 mois avec un WHV. Je devais ensuite me rendre à New-York pour prendre un avion le 5 novembre 2010 pour rentrer à Londres. Je devais … Oui, je devais !
Sauf que, à peine arrivé à Vancouver, j’ai eu un coup de foudre et j’ai décidé de passer un an sur place. Au mois de juin après avoir pris le temps de profiter de la ville et de me faire à la vie sur place, j’ai trouvé un travail dans un supermarché (Safeway) au rayon traiteur. Mon anglais était encore loin d’être bon, mais on m’embauche et me fait confiance. Après deux semaines de travail, mon directeur de magasin vient me voir et me dit qu’il veut m’embaucher de manière définitive et vu mon potentiel et mon expérience passée, il veut me faire basculer dans le cursus de direction de magasin avec un sponsoring de visa pour que je reste vivre au Canada.
L’offre est alléchante, je me plais au Canada et j’avoue que j’ai pensé à accepter cette offre pendant de longues semaines. Tout était réuni pour que je reste au Canada, vraiment tout. Sauf que, rapidement, j’ai eu l’envie de voyager et de découvrir de nouvelles contrées.
J’ai rendu visite à mon ami Thierry au Mexique (il faisait un V.I.E. sur place) pendant quelques jours. Et puis, en rentrant au Canada, en septembre 2010, je savais que continuerais de voyager. J’ai donc décliné l’offre qui m’avait été faite par mon directeur de magasin. J’ai aussi quitté mon poste et suis parti travaillé pour l’enseigne The Bay (l’équivalent des Galeries Lafayette) jusqu’à la fin de mon PVT Canada.
Dès le mois d’octobre j’ai donc commencé à chercher mon prochain pays à visiter. J’ai regardé la liste des PVT dans le monde accessible avec un passeport français. A l’époque il y en avait 8 et je me suis donc dit que j’allais essayer de les faire les 8 en commençant par celui pour le Japon.
Je n’avais aucun attrait en particuliers pour le pays du Soleil-Levant. J’ai toujours voulu voyager dans tous les pays du monde, et c’est encore un rêve que j’ai au plus profond de moi. C’est donc comme ça qu’en janvier 2011, pendant quelques jours, je suis retourné en France pour faire ma demande de PVT Japon, que j’ai obtenu assez rapidement.
… qui se prolonge pour plus d’aventures
Après être retourné au Canada en janvier 2011, j’y ai terminé mon PVT sur place. En mars de la même année, je suis parti pour un road trip qui me mena de l’Ouest à l’Est du pays, puis qui m’aura fait parcourir des milliers de kilomètres au travers de différents Etats aux USA.
Le 5 mai 2011, depuis l’aéroport de Los Angeles j’embarquais pour Tokyo où j’arrivais en fin d’après-midi le 6 mai. Un an sur place, deux mois après le grand tremblement de terre ayant frappé une bonne partie du pays, c’est ce qui était prévu, avant que je n’embarque pour la Corée du Sud pour un quatrième PVT !
Les premiers mois se passaient bien, au Japon. Je prenais mes marques, je devenais professeur de français, à mon compte, et je développais mon activité, sans savoir parler le japonais. Plus les jours avançaient et plus j’étais intrigué par ce pays, que je ne connaissais pas, et frustré par le fait de ne pas parler la langue.
Le 16 octobre 2011, alors que je suis connecté sur mon compte Facebook, je vois passé un article qui attire mon attention. Un Québécois, un certain Jean Béliveau vient de terminer un tour du monde à pied de 11 ans ! 64 pays, plus de 75.000 km, 54 paires de chaussures plus tard, ce monsieur venait de terminer le tour du monde à pied ! J’étais bluffé et fasciné ! J’étais intéressé et je me suis de suite dis « je veux faire pareil » ! Rapidement je reviens un peu à la raison, parce qu’un tour du monde à pied ça demande beaucoup de sacrifices.
Alors, étant au Japon, un pays qui m’intriguait de plus en plus, au fur et à mesure que les journées passaient, je me suis dit que j’allais faire le tour du Japon à pied ! C’était décidé. Mais avant ça, il me fallait apprendre le japonais pour pouvoir le faire dans de bonnes conditions et pour être en capacité de ne rien rater et de me faire de nouveaux amis Japonais.
C’est parti pour l’apprentissage du japonais
Le 6 mai 2012, après un an au Japon, je retourne en France pour faire une demande de visa étudiant via Akamonkai. En juillet 2012, je retourne au pays du Soleil-Levant avec un visa touriste et en octobre de la même année je bascule sur un visa étudiant et je commence mon apprentissage de la langue. Mon but ? Etre capable de parler la langue locale lorsque je commencerais mon tour du Japon à pied.
En Août de la même année, j’ai rencontré une Japonaise. A ce moment-là je ne savais pas ce que cette rencontre allait me réserver. Au bout de quelques mois, nous devons un couple et nous évoluons vers un amour fort. Chose complètement imprévue. Alors que je mène mes études, je suis en train de construire une vie de couple que je n’avais pas anticipée.
Petit à petit, alors que je fais mon bonhomme de chemin et que mon projet « Cap 10.000 Japon » prend forme, je commence à solidifier ma relation de couple avec celle qui, deux ans plus tard, deviendra officiellement ma femme, après un mariage japonais.
Un changement radical de cap
Comme la vie aime à offrir des surprises et être imprédictible, je me suis retrouvé en couple avec une jeune demoiselle rencontré au cours de l’été 2012 au Japon. A ce moment-là je n’aurais jamais imaginé ce qui allait se passer par la suite.
On a d’abord emménagé ensemble à Tokyo avant de se marier, deux ans après notre première rencontre. Et on a commencé à faire notre vie à deux. Cap 10.000 Japon n’avait pas encore vu le jour et il devait déjà s’adapter à mon nouveau statut. Faire le tour du Japon à pied en tant que célibataire ce n’est pas la même chose que de le faire en tant que personne mariée.
Et comme si cela ne suffisait pas, juste avant mon premier départ de ce grand projet de marche, je me suis rompu le ligament croisé du genou droit en jouant au basket à Nagoya ! Rééducation, opération, rééducation et en juin 2016 je devais prendre la route pour le tour du Japon à pied sur 10.000 km et en 18 mois environ.
Sauf qu’en avril 2016 est venue l’une des meilleures nouvelles de ma vie, ma femme que j’aime plus que tout était enceinte de notre futur bébé. Là encore, il fallait que j’adapte mon périple pédestre au pays du Soleil-Levant !
Le 6 juin 2016 j’ai donc pris la route, à pied, depuis Soyamisaki (tout au Nord de l’île de Hokkaido) pour Cap 10.000 Japon. J’ai marché 3.750 km jusqu’à Fukuoka en traversant beaucoup de villes et plusieurs préfectures. A la fin de l’année, j’ai pris une pause pour la naissance de mon bébé, qui vient de définitivement changer ma vie.
Et, ces jours-ci, alors que je planifie la reprise de la route dans le cadre de Cap 10.000 Japon (parce que je vais mener le projet à terme), je me ressasse un peu le passé et je me rends compte du chemin que j’ai parcouru en quelques années et comment j’ai construit une vie que je n’avais jamais planifiée, à l’opposé de ce à quoi je pensais, dans un pays pour lequel je n’avais pas de véritable intérêt à la base.
Et le futur alors ?
Pour le moment, il est prévu que je reste vivre au Japon. Je dis bien qu’« il est prévu » que je reste parce que, comme vous pouvez le lire tout au long de cet article, la vie n’est pas prévisible et elle aime bien me mener dans des routes que je n’aurais jamais imaginées.
Après avoir eu deux fois un visa d’époux d’un an, je viens tout juste d’obtenir un visa d’époux pour une durée de trois ans et de ce fait, je peux rester au pays du Soleil-Levant jusqu’en 2020. Mais, à compter de l’année 2018 je serais en droit de faire une demande de « résidence permanente » puisque j’aurais les minimums requis pour cela. Et je vais, bien sûr, sauter sur cette occasion.
Avec ma femme, suite à la naissance de notre bébé, nous avons quitté, temporairement, la « ville » de Tokyo où je vivais depuis 2011, pour nous installer à Nasushiobara (préfecture de Tochigi), réputée pour ses Onsen. Il est prévu que l’on retourne vivre, dans un an environ, à Tokyo, de manière temporaire. Nous réfléchissons à acheter une maison et nous installer hors de la capitale nippone.
Mais tout cela, ce ne sont que des projets, qui verront le jour plus tard, ou non, selon ce que la vie va nous réserver.
En ce qui concerne mon travail au Japon, je suis « influenceur / blogueur » mais aussi « consultant » auprès de partenaires Japonais, dans le domaine du tourisme. J’ai créé mon activité seul, par mes propres moyens, tout au long de mes six années de vie au Japon et je compte continuer à la développer. Je travaille aujourd’hui, encore, pour des raisons de facilités fiscales, sous le statut de « freelance au Japon » depuis 2015. Mais je compte faire évoluer ce statut, dans les mois à venir vers une société basée au Japon.
Il faut dire que j’ai réussi à créer une activité qui a du succès, à force de travail (je ne peux même pas compter le nombre d’heures travaillées et le nombre de nuits blanches). Et je ne compte pas m’arrêter là. Quand je regarde en arrière et que je vois que je suis venu dans un pays où je ne connaissais rien mais que j’y ai construis ma vie et que j’ai réussi à monter une activité professionnelle à succès je suis plutôt fier de ce que j’ai accompli, le genre de fierté qui te pousse à en faire encore plus.
Comme vous avez pu le lire, rien de ce que j’avais planifié ne s’est déroulé comme prévu et ce n’est pas plus mal. Je suis arrivé au Japon par hasard (même si le hasard est quelque chose que l’on provoque) et aujourd’hui j’y vis et j’y ai construis une famille avec des projets pour le futur. Si vous aussi vous avez des projets, poursuivez-les tout en laissant des portes ouvertes pour de nouvelles opportunités, parce qu’on ne sait jamais ce qui se passe dans la vie.